Suivi des impacts du changement climatique dans les AMP méditerranéennes

Les effets du changement climatique sont particulièrement alarmants pour la mer Méditerranée, qui se réchauffe plus rapidement que les océans. La documentation de ces changements est une tâche clé pour soutenir la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) et pour éclairer la planification de l’espace maritime (PEM). Néanmoins, la complexité de la transformation écologique, ainsi que l’insuffisance des ressources humaines et financières, entravent généralement nos capacités d’observation. Les AMP méditerranéennes peuvent jouer un rôle primordial en fournissant un système d’observation systématique et harmonisé, traduisant dans le monde réel les principes déjà consolidés dans le cadre politique.

But de l’outil

L’objectif de ces protocoles de suivi standards, développés par les projets MPA-Adapt et MPA-Engage, est d’aider à suivre les impacts liés au climat dans les AMP méditerranéennes et au-delà, en suivant les exigences de l’approche écosystémique et dans le cadre de la convention PNUE/PAM de Barcelone.

Objectifs principaux

L’objectif de ces protocoles normalisés est de saisir de plus grandes dimensions des changements environnementaux au moyen d’un ensemble restreint de mesures simples liées à la température, à la mortalité de masse, à l’abondance et à la répartition des espèces, ainsi qu’aux changements historiques, dont notamment les espèces d’origine autochtone ou exotique sensibles au climat.

Infrastructure technologique

Des exigences technologiques spécifiques sont requises pour les protocoles suivants :

1. Suivi des conditions de température : Enregistreurs de données de température HOBOTidbit v2 ou HOBO-U22 et logiciels associés ;
2. Evénements de mortalité massive : Ordinateur de plongée pour définir la profondeur de l’enquête ;
3. LEK-1, LEK-2 et LEK-3 : Un fichier Excel pour la collecte de données ;
4. Comptage visuel des poissons : Ordinateur de plongée pour déterminer la profondeur du relevé, mesurer la durée des transects (5 minutes) et la température de l’eau ;
5. Posidonia oceanica (POFA) : Une jauge profonde ou un ordinateur de plongée pour enregistrer la profondeur du relevé ; un GPS (à bord) ;
6. Pinna nobilis (FAP) : Boussole sous-marine ; GPS ; caméra sous-marine avec boîtier étanche et stroboscopes électroniques ou foyer fournissant un éclairage continu ;
7. Espèces benthiques exotiques (BARD) : GPS portatif (à bord) ; caméra sous-marine avec boîtier étanche et système d’éclairage externe (par exemple, sondes électroniques) ; logiciel photoQUAD pour l’analyse d’images ;
8. Photogrammétrie SFM : Caméra sous-marine et boîtier étanche ; points de contrôle au sol (GCP) pour le traitement de géoréférence.

Formation

Des tutoriels vidéo sont disponibles sur la plateforme T-MEDNet sur la manière de réaliser le suivi de la température, de déployer des enregistreurs de données de température pour surveiller la température de l’eau de mer et de mener et faire le suivi des enquêtes sur la mortalité. Un tutoriel vidéo pour le comptage visuel des poissons est également disponible sur la chaîne YouTube ISPRA et MPA-Adapt. En outre, des tutoriels vidéo ont été développés pour LEK-1, LEK-2 et LEK-3 et pour réaliser le suivi des habitats rocheux (y compris les poissons, les oursins et les espèces exotiques).

Le suivi de la température et les évaluations benthiques des espèces exotiques (Détection rapide des espèces benthiques – BARD) devraient être effectuées par des plongeurs certifiés, travaillant en binômes. L’évaluation de la mortalité massive, le comptage des poissons et l’évaluation de la Posidonia oceanica (POFA) peuvent également être effectués par des plongeurs récréatifs après qu’ils aient reçu une formation adéquate. Une formation du personnel de l’AMP est nécessaire pour réaliser le suivi de la Pinna nobilis (FAP) et pour mettre en œuvre le travail sur le terrain pour le protocole de photogrammétrie SFM. Pour LEK-1, LEK-2 et LEK-3, les intervieweurs devraient être des professionnels qualifiés dans l’identification des espèces avec une bonne connaissance des pêches locales et/ou des environnements sous-marins.

Investissement

Le coût estimé de la mise en œuvre du protocole de suivi de la température est de 1 800 € par AMP.

Concept

Ces protocoles s’inspirent du concept des variables climatiques essentielles et se concentrent sur un ensemble restreint de mesures simples pour saisir de plus grandes dimensions du changement environnemental. Les indicateurs ont été choisis en fonction de leur pertinence scientifique, de leur faisabilité et de leur rapport coût-efficacité. Les cinq premiers protocoles ont été développés par le projet MPA-Adapt ; ceux-ci ont été complétés par la suite par six autres protocoles, développés par le projet MPA-Engage. Ils couvrent :

• Conditions de température – Pour construire des lignes de base robustes et suivre les changements hydrologiques afin de mieux comprendre les impacts du réchauffement climatique sur la biodiversité côtière marine ;
• Impact de la mortalité massive sur les espèces macrobenthiques qui peuplent les eaux côtières ;
• Connaissances écologiques locales pour reconstruire les changements historiques – Pour interroger des pêcheurs expérimentés ou d’autres usagers de la mer afin de recueillir des informations sur les changements historiques dans l’abondance et la répartition des espèces (LEK-1), suivre régulièrement les espèces d’origine autochtone et exotique sensibles au climat (LEK-2) et évaluer la mortalité massive chez les organismes marins (LEK-3) ;
• Comptage visuel des poissons – Pour évaluer l’abondance et la répartition d’espèces de poissons spécifiques en tant qu’indicateurs fiables du changement climatique ;
• POFA – Pour mesurer la densité des pousses de feuilles de Posidonia oceanica ainsi que des caractéristiques supplémentaires liées au réchauffement ;
• FAP – Populations de Pinna nobilis dans les AMP ;
• URCH – Populations d’oursins dans les habitats rocheux peu profonds des AMP ;
• BARD – Espèces benthiques envahissantes dans les habitats benthiques rocheux des AMP ;
• Photogrammétrie SFM – Pour caractériser la complexité de l’habitat et les modèles de répartition des populations d’espèces clés et suivre leurs changements au fil du temps grâce à la cartographie 3D de l’habitat.

Zones pilotes

Ces protocoles ont été mis à l’essai dans plus de 70 sites en Espagne, en France, en Italie, en Croatie, en Grèce, en Turquie et en Tunisie.

Dates de mise en œuvre

• Conditions de température : Il est recommandé de configurer et de récupérer les enregistreurs de données tous les 6 mois, généralement avant et après la saison chaude. Une périodicité annuelle peut être adoptée pour les sites distants.
• Mortalité massive : Il est recommandé de réaliser un suivi de la mortalité massive tous les 12 mois après l’été, c’est-à-dire de la mi-septembre à la mi-octobre, ou dans les cas de mortalité massive observés.
• LEK-1 et LEK-3 : Les entretiens peuvent être réalisés à tout moment de l’année.
• LEK-2 : Les entretiens devraient être réalisés tous les 12 mois ; les interrogés devraient idéalement rester les mêmes au fil du temps.
• Comptage visuel des poissons : Il est recommandé d’effectuer le comptage des poissons tous les 12 mois, entre août et octobre ; pour les plongeurs récréatifs, le comptage peut être effectué à tout moment de l’année.
• POFA : La période de suivi devrait être l’été et l’automne sur une base annuelle. Cependant, à partir de la fin septembre-octobre, les épisodes de floraison pourraient être plus probables, cette période est donc recommandée pour les relevés. De plus, la présence de fruits sur la plante est un indicateur et permet un suivi au printemps (avril-mai).
• FAP : La période de suivi devrait être la fin de l’été/début de l’automne.
• URCHE : L’échantillonnage doit être effectué une fois par an à la fin de l’été, lorsque les algues saisonnières ont disparu.
• BARDE : L’échantillonnage devrait être effectué deux fois par an en été et en hiver. Si cela n’est pas possible en raison de contraintes logistiques ou financières, le suivi devrait être effectué au moins une fois par an, de préférence en été, et à la même heure chaque année.
• PFM : La période de surveillance doit être adaptée à chaque AMP en fonction de la période pendant laquelle elle offre de meilleures conditions de transparence de l’eau, généralement en été ou au début de l’automne.

Pour assurer la continuité des séries de données de température, les enregistreurs de données de température doivent être lancés avec les paramètres corrects avant d’être placés à nouveau sur le terrain, et doivent être solidement fixés au substrat pour éviter de les perdre en raison de conditions météorologiques difficiles.

La recherche de petites colonies ou de petits spécimens de gorgones (moins de 15 cm de hauteur) peut ne pas être simple pendant l’échantillonnage. Il est donc recommandé de les exclure de l’échantillonnage.

Il est possible que les pêcheurs se montrent méfiants vis-à-vis des chercheurs et des professionnels. À ce titre, il convient d’accorder une attention particulière à l’approche utilisée au cours des entretiens, par exemple en manifestant un réel intérêt pour les réponses et en se comportant comme un facilitateur et non comme un expert.

Résultats quantitatifs

La mise en œuvre des protocoles proposés permet la collecte de données physiques et biologiques importantes qui sont nécessaires pour comprendre le changement climatique et le réchauffement de la mer Méditerranée. Ces données appuient également l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies d’atténuation adéquates et de plans d’adaptation efficaces dans les AMP méditerranéennes.

Principaux résultats visés

Des ensembles complets de données de suivi décrivant les caractéristiques biologiques et physiques spécifiques du milieu marin qui aideront à évaluer l’impact du changement climatique dans les AMP méditerranéennes.

Potentiel de transfert

Les protocoles peuvent être partagés, téléchargés et imprimés par les AMP méditerranéennes et peuvent être utilisés dans le cadre de produits ou services non commerciaux, à condition de reconnaître la titularité des droits d’auteurs aux projets MPA-Adapt et MPA-Engage.

• La mer Méditerranée se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne mondiale, les sept dernières années devant être les plus chaudes jamais enregistrées. Cela entraîne, entre autres, une augmentation de la fréquence des « medicanes », des migrations d’espèces de poissons autochtones vers le nord, de l’invasion d’espèces exotiques et des événements de mortalité massive (80-100 % de Pinna nobilis perdus ces dernières années).

• Les cinq premiers protocoles ont été développés par le projet MPA-Adapt. Le projet MPA-Engage a tiré parti de l’expérience acquise dans le cadre de ce projet et a élaboré six autres protocoles, qui ont encore élargi l’éventail d’actions à suivre pour lutter contre le changement climatique dans les AMP méditerranéennes.

• Les protocoles sur le changement climatique ont été mis en œuvre 55 fois dans l’ensemble des sept AMP, pour un total de 167 sites de suivi et 868 essais. Dans toutes les AMP, les données ont été recueillies à trois profondeurs différentes (peu profonde, intermédiaire et profonde) et ont impliqué des scientifiques citoyens à 533 reprises.